Épisode 24 - Marchés en baisse, inflation en hausse : À quoi faut-il s’attendre?
Craig Maddock, vice-président et gestionnaire principal de portefeuille, et Mark Fairbairn, gestionnaire de portefeuille, jettent un regard rétrospectif sur le deuxième trimestre de 2022 et discutent de l’évolution probable des marchés à court terme. Parmi les sujets abordés, mentionnons les événements sur les marchés, la conjoncture économique, le rendement des portefeuilles et plus encore.
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Une période plus difficile vient de s’amorcer sur les marchés. Quelles sont les causes de cette correction?
[Craig Maddock 0:56] Les événements et les situations qui expliquent le marché baissier actuel sont multiples. La volatilité continue qui persiste depuis le début de l’année est unique en ce qu’elle se caractérise par un recul simultané des marchés boursiers et obligataires. La situation est extrêmement complexe et découle d’une succession d’événements.
La cause principale du marché baissier est évidemment la forte inflation. Mais celle-ci n’est pas apparue comme par enchantement. Il faut reconnaître qu’elle a été alimentée par une politique monétaire excessivement accommodante, et donc par les bas taux d’intérêt qui persistent depuis des années, et par la pandémie dont nous peinons à nous extraire, comme tous nos clients médecins ne le savent que trop bien.
La pandémie a favorisé la culture du « bien chez soi », tant pour les loisirs que pour le travail, d’où la réorientation d’une partie des dépenses que les gens consacraient aux services (restaurants et divertissements) vers l’acquisition de biens comme des automobiles, des appareils électroniques, des meubles, des maisons et, évidemment, des placements. Comme les gens n’avaient plus à se présenter sur leurs lieux de travail et comme la demande de biens de toutes sortes qu’il fallait fabriquer et expédier a grimpé, et quand je dis expédier, je veux dire par bateaux entiers (je ne parle pas des livraisons effectuées par les camionnettes Amazon), la situation est rapidement devenue hors de contrôle.
Comme si cela ne suffisait pas, les dépenses budgétaires ont aussi explosé. Le gouvernement des États-Unis a à lui seul distribué 1 900 milliards de dollars aux citoyens américains pour les aider à traverser la pandémie. La hausse généralisée des prix n’est donc pas vraiment étonnante, car à la fin des confinements, la demande a rapidement excédé l’offre, même si celle-ci était très raisonnable.
Puis, au moment même où un retour à la normale semblait s’amorcer, la Russie a envahi l’Ukraine. Depuis, la situation ne cesse de se détériorer. Les autorités ont réagi à l’inflation vivement et vigoureusement. Lorsqu’il est question d’inflation, on pense en général aux prix des biens et des services essentiels. Cette fois, les prix de choses dont personne n’a vraiment besoin ont aussi grimpé. Je songe notamment aux cryptomonnaies et aux jetons non fongibles. Il faut croire que lorsque les gens ont assez d’argent pour acheter n’importe quoi, c’est exactement ce qu’ils font, même si les objets convoités n’ont aucune utilité, un phénomène étonnant dans les circonstances.
Nous vivons actuellement une transition sur les marchés. La bulle dans laquelle nous nous trouvions et qui se gonflait depuis longtemps est aujourd’hui en voie d’éclater. D’un environnement où prédominait l’appât du gain, nous sommes passés à un autre où la peur domine.
Une rotation a eu lieu entre les secteurs et les styles de placements offrant les meilleurs rendements. Que devons‑nous savoir à ce sujet?
[Mark Fairbairn 3:20] En effet, une rotation assez brutale s’est opérée sur les marchés depuis le début de l’année. À bien des égards, on assiste à un retournement de situation : les gagnants de la pandémie sont devenus les perdants et vice versa. Les titres de croissance ont en général dominé les marchés ces dernières années et la pandémie les avait propulsés encore plus haut. Il semble maintenant que le retour à des évaluations plus normales soit en cours pour ces titres, tandis que ceux qui étaient négligés des investisseurs tendent à offrir un meilleur rendement.
Prenons par exemple la période de décembre 2019 à décembre 2021. L’action de Shopify est celle qui pendant cette période a le plus contribué à la poussée de l’indice composé S&P/TSX. L’entreprise a fortement bénéficié de l’engouement pour les achats en ligne pendant la pandémie. À son sommet, en novembre 2021, l’action de Shopify s’était appréciée de plus de 300 % par rapport aux niveaux d’avant la pandémie (décembre 2019). À ce jour, elle a perdu plus de 80 % de sa valeur par rapport à son sommet le plus récent et se négocie nettement sous son cours d’avant la pandémie, emportée par le mouvement à la baisse qui se poursuit depuis le début de l’année.
Parmi les sociétés canadiennes qui ont bénéficié de la pandémie, il faut aussi mentionner Lululemon. En effet, dans le contexte du télétravail, les gens ont rangé leurs tenues plus soignées pour favoriser les vêtements plus décontractés comme les survêtements de sport, et la valeur de l’action de Lululemon a doublé. Toutefois, depuis le début de l’année, elle a perdu environ 30 % de sa valeur.
La situation au sud de la frontière canadienne est similaire. Confinés à la maison et rivés à leur écran de télévision, les gens se sont abonnés à Netflix dont l’action a doublé de valeur, ce qui ne l’a pas empêchée de plonger de 70 % depuis le début de l’année. Même trajectoire pour l’action de Zoom Communications dont la valeur avait quintuplé à un certain point par rapport à la période d’avant la pandémie et qui est maintenant revenue à son niveau d’avant la pandémie, une baisse de 40 % depuis le début de l’année.
Les titres de croissance ne sont pas les seuls à écoper. Tous les actifs qui ont profité de la phase spéculative qui a frappé les marchés, y compris les cryptomonnaies et les SAVS, ont essuyé d’importants reculs depuis le début de l’année en cours. Les sociétés énergétiques et les entreprises de produits de consommation courante et de services publics, et toutes ces autres entreprises un peu ennuyeuses ont en revanche mieux résisté aux pressions baissières.
À l’inverse, les titres énergétiques sont passés du statut de « pestiféré » à celui « d’enfant chéri ». Le secteur énergétique a offert des rendements inférieurs pendant plusieurs années parce que les politiques d’ESG et les risques liés aux actifs délaissés en limitaient beaucoup l’attrait pour les investisseurs mondiaux.
Pendant la pandémie, soit de 2019 à décembre 2021, les actions mondiales ont maintenu des valeurs plutôt élevées, un phénomène imputable sous bien des aspects à la vigueur des grandes sociétés de croissance qui en sont même venues à dominer les indices de référence (par exemple, l’indice mondial MSCI, l’indice de référence des actions des pays développés du monde a généré un rendement annualisé de 20 % au cours de ces deux années, soit l’essentiel de la période pandémique). Au cours de cette même période, le secteur de l’énergie de ce même indice mondial MSCI n’a pas du tout participé à la vague haussière. Les titres énergétiques sont en effet demeurés fondamentalement stationnaires en dollars US. Or, comme en témoigne son évolution depuis le début de l’année, ce secteur a aussi connu un retournement de situation. En effet, alors que les marchés mondiaux dans leur ensemble (selon l’indice mondial MSCI) avaient, en dollars US, perdu 20 % de leur valeur au 30 juin dernier, le secteur énergétique de l’indice inscrivait un gain de près de 25 %.
Le bas niveau des stocks de pétrole, le sous-investissement et la nouvelle rigueur dans les dépenses en immobilisations ont en effet limité l’offre au moment même où la demande bondissait après la pandémie. Ce resserrement de l’offre par rapport à la demande a été exacerbé par l’invasion russe en Ukraine et a propulsé les prix de l’énergie, une situation tout à l’avantage du secteur énergétique.
Les reproches adressés aux banques centrales se sont multipliés dans les médias. Elles auraient trop tardé à majorer les taux d’intérêt et à amorcer la lutte contre l’inflation. À votre point de vue, qu’en est-il exactement?
[Craig Maddock 6:30] Il est vrai, Alex, que bien des gens ont critiqué la Réserve fédérale des États-Unis qui selon certains, a été trop timide et a finalement bougé trop tardivement. Je pense cependant que dans une certaine mesure, il est normal que la Réserve fédérale réagisse aux marchés et maintienne un certain décalage, car les attentes des marchés à l’égard de la politique monétaire tendent à se refléter par anticipation sur les prix. La Réserve fédérale en prend note et éventuellement, s’ajuste.
Mais cette fois, je pense que la Réserve a été entièrement larguée. Lorsqu’on ne voit pas ce qui se produit avant qu’il ne soit trop tard, la gravité de la situation dépendra de l’ampleur de l’erreur. Et pour être tout à fait honnête, la Réserve fédérale disait encore que l’inflation était temporaire alors que dans les faits, elle grimpait en flèche à cause des déséquilibres entre l’offre et la demande générés par la COVID dont nous avons déjà parlé. Bien franchement, ce déséquilibre entre l’offre et la demande aurait pu se régler de lui-même, ce qui aurait évidemment freiné l’inflation.
Malheureusement, l’inflation est demeurée de façon persistante supérieure à ce que la Réserve fédérale, et bien d’autres en réalité, croyaient possible. On peut donc affirmer que d’une certaine manière, le décalage entre la perception de la Réserve fédérale et la situation réelle était trop important, ce qui la force à maintenant à intervenir avec beaucoup plus de mordant. En fait, les mesures récentes figurent parmi les plus incisives jamais prises par une banque centrale parce que l’inflation grimpe à un rythme inédit, dans le contexte d’offre limitée dont nous avons déjà parlé.
Si les grandes banques centrales comme la Banque du Canada et la Réserve fédérale continuent d’accélérer la hausse des taux d’intérêt pour juguler l’inflation et atténuer les attentes de nouvelles hausses des prix, la politique monétaire pourrait très bien déclencher une récession. Vous avez mentionné le « mot en R » plus tôt et je pense que le risque de récession en ce moment, dans ce contexte de resserrement marqué de la politique monétaire, est beaucoup plus élevé qu’il y a quelques mois à peine. La Réserve fédérale a majoré ses taux de 150 points de base depuis le début de l’année. Les taux sont donc 1,5 % plus élevés qu’auparavant lorsqu’ils étaient virtuellement nuls. En ce qui concerne la Banque du Canada, la hausse est plutôt de 125 points (remarque : La Banque du Canada a relevé ses taux de 100 points de base de plus depuis l’enregistrement de ce balado). La hausse de juin dernier de la Réserve fédérale était la plus forte augmentation de taux depuis 1994. La BCE semble vouloir se joindre au mouvement et a majoré ses taux en juillet. Il est maintenant clair que la politique monétaire se resserre et qu’il en coûtera de plus en plus cher pour emprunter de l’argent.
Selon les analystes, d’ici la fin de 2022, les banques centrales majoreront encore les taux d’au moins autant qu’elles l’ont déjà fait depuis le début de l’année. Donc, s’il est vrai de dire qu’une bonne partie du travail a été accompli jusqu’à maintenant, ces hausses ont simplement permis de rattraper le retard accumulé. Les marchés s’attendent maintenant à ce que la Réserve fédérale augmente de nouveau les taux de 170 à 190 points de base d’ici la fin de l’année. C’est donc dire qu’on en est à la moitié des majorations prévues. Du point de vue des emprunteurs, cette augmentation vigoureuse du coût du crédit se reflétera nécessairement sur les marchés.
En ce qui nous concerne, nous pensons que l’essentiel des conséquences douloureuses de ces hausses est maintenant derrière nous. À notre avis, le retard à ajuster la politique monétaire a maintenant été rattrapé et les attentes des marchés quant à l’évolution du taux directeur de la Réserve fédérale sont déjà intégrées dans les cours boursiers. Il s’en suit que sauf si l’inflation continue d’augmenter fortement parce qu’un événement viendrait dégrader encore plus la situation et sauf si les majorations de taux d’intérêt qui ont été décrétées jusqu’à maintenant ne parviennent pas à casser la poussée inflationniste, les chances sont bonnes que les effets intégrés par la courbe refléteront dans une large mesure les mesures probables à venir de la Réserve fédérale.
À mon avis, l’important à retenir ici est que la Réserve fédérale des États-Unis, la Banque du Canada et d’autres banques centrales semblent déterminées à juguler l’inflation, mais que pour y arriver il en faudra plus. Beaucoup d’autres facteurs devront jouer pour que ce resserrement des conditions financières freine l’inflation et ralentisse la croissance.
Dans une déclaration récente, le président de la Réserve fédérale des États-Unis, James Powell, a affirmé que l’économie américaine est en excellente santé. Que pensez-vous de cette déclaration et de l’état de santé de l’économie mondiale en général?
[Mark Fairbairn 9:59] Il est vrai que selon de nombreux indicateurs, l’économie des États-Unis est en excellente santé. Le marché du travail est très tendu, les taux de chômage sont bas, le nombre de postes vacants est élevé par rapport au nombre de chercheurs d’emploi et à 53, l’indice manufacturier ISN continue d’annoncer de la croissance. L’indice PMI des services est encore plus élevé à 55, ce qui dénote la forte demande de services de voyage et autres services semblables.
La forte hausse de l’inflation et le resserrement de la politique monétaire par la Réserve fédérale reflètent probablement cette vitalité de l’économie américaine. En fait, elle est même probablement trop dynamique par rapport à sa capacité de production actuelle. Et la politique monétaire est par conséquent encore trop accommodante compte tenu de la vigueur actuelle de l’économie, d’où cette forte inflation.
La même dynamique semble aussi dominer à l’extérieur des États-Unis, notamment au Canada, en Europe et en Australasie. Seule la Chine échappe à cette tendance en raison du maintien de ses politiques de « COVID zéro » et des confinements qui en découlent, et est un peu à la traîne, même si des signes d’accélération ont récemment été relevés.
S’il est vrai que les conditions semblent actuellement très favorables, il importe de ne pas oublier que c’est généralement toujours le cas à la fin d’un cycle économique. Par ailleurs, bon nombre des indicateurs dont je viens de parler et qui témoignent de la vigueur actuelle de l’économie sont en fait, des indicateurs retardés, l’emploi étant à cet égard le plus digne de mention.
Une analyse plus prospective de la situation révèle que les conditions financières se sont considérablement resserrées et se resserreront vraisemblablement encore plus. L’hémorragie de dépenses publiques semble s’essouffler ou à tout le moins ralentir. Lorsque les prix de l’énergie sont élevés comme maintenant et qu’une forte inflation gruge le revenu disponible des ménages, une baisse de la demande des consommateurs est inévitable. Selon les enquêtes auprès des entreprises, les indicateurs restent élevés et annoncent encore de la croissance, mais leur trajectoire est néanmoins descendante. Bon nombre des principaux éléments de ces enquêtes (nouvelles commandes, ratios de stocks, etc.) laissent entrevoir une décélération qui ira en s’accentuant.
Donc, au bilan, si la situation semble solide actuellement, la trajectoire descendante des tendances est franchement préoccupante, autant pour nous que pour les analystes du marché.
En termes absolus, le rendement global des marchés a été pénible au deuxième trimestre. Mais si on analyse le rendement relatif, comment les fonds et les portefeuilles MD s’en sont-ils tirés?
[Craig Maddock 11:53] Tout ce que vous venez de dire est malheureusement très vrai Alex. Au cours du dernier trimestre, voire depuis le début de l’année, les marchés boursiers et des titres à revenu fixe ont inscrit des baisses substantielles au gré des mesures de resserrement des conditions financières décrétées pour ralentir l’inflation.
Maintenant, pour être honnête, reconnaissons qu’il est très rare que les actions et les titres à revenu fixe se déprécient simultanément. Selon une analyse rétrospective remontant jusqu’aux années 70, cela est arrivé dans moins de 10 % des trimestres. Cette situation crée évidemment de l’angoisse chez les investisseurs qui craignent maintenant que leur portefeuille ne soit pas à la hauteur des objectifs de leur plan financier. Il est très rare, comme je l’ai déjà dit, que les marchés boursiers et obligataires perdent de la valeur simultanément.
Dans ce contexte, notre rôle consiste en partie à préserver les capitaux. Depuis le début de l’année, nos portefeuilles de titres à revenu fixe les plus prudents ont offert un rendement relativement intéressant par rapport aux indices de référence et ajouté de la valeur grâce à la fois à nos obligations canadiennes de courte durée et au poids relatif accordé globalement aux obligations de sociétés. Par rapport à ses pairs, le Portefeuille conservateur Précision MD se situe dans le quartile supérieur jusqu’à maintenant cette année et au cours des trois derniers mois, soit au sixième percentile.
Le Portefeuille de revenu équilibré Précision MD, un autre mandat défensif similaire, se situe dans le deuxième quartile pour son rendement depuis le début de l’année. Au cours des derniers trimestres, le Fonds de croissance modérée canadienne Précision MD (axé sur les titres à revenu fixe) s’est aussi bien classé, soit dans le deuxième quartile.
Les portefeuilles comportant une proportion plus forte d’actions n’ont pas offert un rendement aussi intéressant. Au cours des trois derniers mois, ils ont obtenu des rendements plus ou moins similaires à ceux de leur indice de référence puisque le rendement supérieur des titres canadiens a été contrebalancé par le rendement inférieur imputable à la surpondération des actions de croissance américaines.
Sur une base relative pure, le Portefeuille de croissance équilibrée Précision MD a obtenu des résultats concurrentiels et s’est situé dans le deuxième quartile de la catégorie des portefeuilles équilibrés d’actions mondiales. Toutefois, en se contentant d’un rendement similaire à celui de l’indice de référence, ces fonds et ces portefeuilles se situent dans le troisième quartile pour les trois derniers mois.
Le rendement des titres à revenu fixe est depuis quelque temps au cœur des préoccupations. Les taux de rendement obligataires augmentent-ils encore? Le mouvement de liquidation s’est-il calmé?
[Mark Fairbairn 13:51] Oui, le processus de liquidation s’est calmé. Et même si les taux de rendement ont grimpé de manière spectaculaire pendant la plus grande partie de l’année, ils semblent s’être récemment stabilisés, certains ayant même reculé. Par exemple, le taux de rendement des bons du Trésor américain de 10 ans a atteint un sommet de près de 3,5 % en juin, mais à la fin du trimestre, il était redescendu à 3 %. De la même manière, le taux de rendement des obligations de 10 ans du gouvernement canadien a plafonné à 3,6 % pour ensuite redescendre et se fixer en fin de trimestre à 3,2 %.
Comme nous en avons discuté précédemment, la forte augmentation des taux d’intérêt à l’échelle mondiale découle de la vigueur et de la persistance de l’inflation par rapport aux prévisions, et du constat que les banques centrales sont en décalage par rapport à la situation. Les préoccupations inflationnistes continuent de pousser les taux d’intérêt à la hausse, d’où les mesures de resserrement des conditions financières pour ralentir la croissance. Si l’augmentation des taux est excessive ou trop rapide, elle pourrait cependant causer une récession.
Les taux de rendement obligataires sont à leur niveau le plus élevé des dix dernières années, ce qui rend ces obligations plus attrayantes. Nous avons beaucoup parlé dans le passé de l’absence de solution de rechange aux obligations dans un contexte de faibles taux de rendement obligataires. Maintenant, il y a une solution de rechange grâce à ces taux plus élevés et à la crainte croissante d’une possible récession, des facteurs qui créent habituellement un environnement intéressant pour les obligations. Les investisseurs recommencent à voir les obligations comme un excellent outil défensif.
Le marché recommence à se concentrer sur les risques de croissance plutôt que sur le seul risque d’inflation. Dans ce contexte, les obligations retrouvent de l’attrait et les taux de rendement suivent. Cela dit, il est probablement trop tôt pour déclarer la fin de la volatilité sur les marchés obligataires. Les banques centrales des pays du G10, comme la Réserve fédérale et la Banque du Canada estiment qu’elle persistera, mais leur perception de l’inflation était si loin de la réalité que leur crédibilité est en jeu ici.
Il faudra probablement d’autres signes que l’inflation suit résolument une tendance à la baisse et ces signes devront être confirmés par plusieurs lectures consécutives annonçant une baisse de l’inflation avant que les grandes banques centrales amorcent un véritable pivot vers une politique monétaire plus accommodante. Par conséquent, il est probablement trop tôt pour ignorer l’inflation en ce moment, mais la situation s’est beaucoup calmée par rapport au début de l’année.
Y aura-t-il une récession? Un marché baissier figure-t-il dans le scénario de base d’une récession? Quel est le scénario le plus probable?
[Craig Maddock 15:46] À notre avis, l’économie mondiale se dirige vers une récession technique, soit deux trimestres consécutifs de croissance négative du PIB. Pendant deux trimestres de suite, le monde produira donc moins de biens qu’il n’en produisait au trimestre précédent. Cette récession découlera à mon avis de la politique de hausse des taux d’intérêt, ce qui n’a rien de surprenant. Pour freiner la forte inflation, il faut majorer les taux d’intérêt, resserrer les conditions financières et augmenter le coût du crédit. Il s’ensuit que les entreprises et les particuliers emprunteront moins d’argent et auront moins d’argent à dépenser et par conséquent, que la demande diminuera. En gros, l’économie mondiale devra produire moins.
Par ailleurs, après plusieurs années d’excès, les gens ne sont probablement ni prêts ni préparés mentalement à un ralentissement économique. Les taux d’intérêt sont très bas depuis assez longtemps, ce qui a eu toutes sortes de résultats bien différents les uns des autres. Certains sont un peu étranges si on les regarde de l’extérieur et si on s’interroge sur les raisons qui poussent les gens à agir de la manière dont ils le font. Mais je pense que dans l’environnement où nous nous trouvons, le ralentissement devient en quelque sorte une prophétie qui se réalise d’elle-même : l’économie ralentit parce que les conditions financières se resserrent et à cause de ce resserrement, les gens dépensent plus prudemment, ce qui accentue le ralentissement, d’où une plus grande prudence encore des consommateurs, etc. D’un ralentissement à l’autre, même si l’économie ne s’arrêtera assurément pas, on pourrait se retrouver en récession technique.
Il est difficile de prévoir la réaction exacte des investisseurs dans ce contexte. Tenteront-ils de se placer en avant de la tendance en se disant que les mauvais jours ne durent qu’un temps et que le marché baissier finira par finir? Se diront-ils qu’avec l’augmentation du coût du crédit et les rendements récents très négatifs tant sur les marchés obligataires que boursiers et le quasi-effondrement des titres plus risqués, toutes les bulles qui ne cessaient de se gonfler ont finalement éclaté, à l’exception peut‑être du secteur de l’habitation? Personnellement, je pense que nous sommes en plein cœur d’un marché baissier qui risque de se prolonger.
Un marché baissier typique ressemble à une récession technique. On dit d’un marché qu’il est baissier lorsqu’il a perdu au moins 20 % de sa valeur par rapport à son plus récent sommet. Je pense que de manière générale, nous nous trouvons dans un environnement où la tendance pour les titres risqués, et plus particulièrement les actions, risque de demeurer à la baisse à cause des facteurs négatifs et notamment de la politique monétaire de majoration des taux d’intérêt. Les probabilités sont fortes que les vents contraires qui nous ralentissent en ce moment vont persister pendant un avenir prévisible.
Toutefois, la question la plus importante est la suivante : que faire? Qu’est-ce qu’un investisseur doit faire si les risques de marché baissier ou de récession sont plus élevés maintenant qu’ils l’étaient il y a quelques mois? La plupart des gens n’aimeront pas ma réponse, mais en bref, elle est la suivante : il ne faut rien faire. J’y ai fait allusion un peu plus tôt, mais vous savez, les marchés baissiers finissent par finir et lorsque cela se produit, c’est en général le signe qu’une nouvelle phase haussière s’amorce. Une étude rétrospective nous apprend que les phases baissières du marché peuvent durer des mois, parfois même des années, mais que les phases haussières qui suivent ont tendance à durer plusieurs années et que les gains enregistrés pendant une phase haussière tendent à effacer et plus tous les revers de la phase baissière. En clair, et dans la mesure où l’horizon temporel est approprié, il suffit de garder le cap. Ceux qui arriveront à le faire seront en général bien servis.
De nombreux investisseurs éprouveront des difficultés, par exemple, à continuer de placer de l’argent dans leur portefeuille à cause de la forte inflation. Les produits et services que vous achetez coûteront en effet plus cher et votre revenu discrétionnaire, c.-à-d. dans bien des cas, la somme consacrée à l’épargne, se contractera. Il faut reconnaître que nos clients médecins sont privilégiés et que la plupart d’entre eux disposent de revenus suffisants pour faire face à l’augmentation des prix tout en étant capables de continuer d’épargner ou d’ajouter à leurs placements pendant la phase de recul des marchés. Et reconnaissons-le, les obligations et les actions coûtent moins cher aujourd’hui qu’il y a quelques mois. Le moment semble donc bien choisi pour en acheter. Il est aussi possible que les prix soient encore plus avantageux dans quelques mois. Mais il est clair que les investisseurs qui continuent d’ajouter des titres à leur portefeuille de placements pendant les phases de repli des marchés seront gagnants à long terme.
Parlez-nous un peu des principaux ajustements apportés récemment à nos portefeuilles?
[Mark Fairbairn 19:53] Comme Craig l’a souligné, nous entrevoyons en ce moment une augmentation des risques de repli des marchés et de récession, ce qui nous incite à adopter un positionnement plus défensif. Nous sous-pondérons donc maintenant légèrement les actions et c’est la décision la plus marquante que nous avons prise pour contrôler la volatilité globale de nos portefeuilles. Nous avons aussi renforcé nos positions défensives d’autres manières dans nos portefeuilles.
Nous avons ajouté dans nos fonds collectifs d’obligations ainsi que dans le Fonds collectif d’occasions tactiques mondiales GPPMD des titres à revenu fixe de plus longue durée. Nous avons élagué les titres à revenu fixe plus risqués comme les obligations à rendement élevé pour plutôt privilégier les obligations d’État. Dans nos portefeuilles d’actions, nous avons sous-pondéré les actions européennes, que nous considérons comme plus vulnérables au risque de stagflation et au risque géopolitique. Nous sous-pondérons aussi les actions de marchés émergents, car ces actions sont habituellement beaucoup plus volatiles et tendent à éprouver plus de difficultés pendant les récessions.
Finalement, en ce qui concerne nos stratégies de change, nous avons liquidé nos positions à long terme et à taux de rendement plus élevés dans les pays émergents. Nous avons aussi fait l’acquisition de positions libellées dans des monnaies refuges qui ont tendance à mieux résister aux récessions, notamment des titres libellés en dollars américains, en francs suisses et en yens japonais.
Malgré notre conviction qu’une période plus difficile sur le plan économique, voire de contraction, s’amorce, nous ne croyons pas au scénario d’une longue et profonde récession, comme Craig y a fait allusion tout à l’heure. Ce facteur, lorsqu’il s’ajoute aux baisses que nous avons déjà essuyées, nous incite à ne pas devenir trop défensifs, car il faut tenir compte du fait que le marché a déjà intégré en bonne partie les effets négatifs de la conjoncture.
Dans ce contexte, nous consacrons donc en ce moment plus ou moins autant de temps à surveiller d’éventuels indicateurs de détérioration que nous en consacrons à nous assurer de ne pas rater les indicateurs qui nous diront que le temps est venu de recommencer à ajouter des titres risqués au portefeuille. En effet, si au moment où les actions recommenceront à s’apprécier, elles sont sous-pondérées dans votre portefeuille, vous sortirez perdant. Il faut donc être particulièrement alerte pour discerner à quel moment les craintes fondées doivent céder le pas à une gestion plus audacieuse pour bien exploiter le potentiel de rendement à long terme des actions.
* « Conseiller MD » désigne un conseiller financier de Gestion MD limitée (au Québec, un conseiller en placement) ou un gestionnaire de portefeuille de Conseils en placement privés MD.
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